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Ecluse de la Roussille en 1911 (Niort)

De WikiNiort

Article en construction 12 mai 2021

Prologue sur un fait divers de 1911 concernant l’écluse de la Roussille

Vue sur l'ancienne passerelle tournante, en arrière plan : l'auberge de Pierre Giraud (Photo début XXe).

Les passerelles de l’écluse de la Roussille permettent la traversée du bassin de l’écluse aux habitants et animaux venant des fermes de la rive droite, le moulin de la Roussille, de l’auberge etc…

Un système de passerelle à rotation (voir photo) était principalement utilisé pour la traversée et manipulé par le garde de la rivière.
En 1911, un événement révèle l’utilité essentielle de ces moyens de traversée de la Sèvre qui assurent le rythme de vie des habitants, voisins de l’écluse de la Roussille.

Le témoignage de cette époque est relevé en patois, langage le plus courant dans cette région.

Ce langage, le patois, est surtout un moyen de communication orale, le traduire par écrit n’est donc qu’une approximation sur l’orthographe et la grammaire…

Remarques : en 2021, les écluses de Niort et notamment celle de la Roussille ont été récemment restaurées.

Témoignage d’un habitant du village de la Roussille en 1911

« 0 faut thyi, vous quinte ein petit ce qui se passe ché nous. Le petit village de la Rousseuille est en révolution.
Il faut que je vous conte en petit ce qui se passe chez nous. Le petit village de la Roussille est en révolution.
Figuré vous que thié jous o l'a passé pre la tâte à ine houme de thielle endret de barra le passage et vlan, le nous piante deux poteaux chaque bout daux passerelles étabyies sur la Seuvre.
Figurez-vous que ces jours, il a passé par la tête d’un homme de cet endroit de barrer le passage et vlan, il nous plante deux poteaux à chaque bout des deux passerelles établies sur la Sèvre.
0 m'a bé été dit que lo n'avez poué le dret de les mattre voure l'étiant, pisque le terrain n'appartein poué à l'administration, mais o fez rhein, olé poué ce thyi le gène.
Y set poué si l'avez été quemandé d'au fère, mais en tout cas le mère de la commune n'en savet rhein et peurtant y creit que le devret ètre informa le premè quant in chemouin se barre.
On m’a bien été dit qu’il n’en avait point le droit de les mettre où elles étaient, puisque le terrain n’appartenait point à l’administration, mais cela fait rien, cela n’est pas ce qui le gêne.
Je ne sais pas s’il lui avait commandé de le faire mais en tous cas, le maire de la commune n’en savait rien et pourtant je crois qu’il devrait être informé le premier quand un chemin est fermé.
Pierre Giraud revient, avec sa jument blanche, du Moulin de la Roussille (Photo début XXe).
Aquarelle du moulin de la Roussille (Clavery 1964) (Collection privée).
Enfin, n'importe, jusqu'ithyi o navet core que de la malice, mais velà que les affouères allant se gâté.
Pierre Giru, thi tein l'auberge daux Portes de la Rousseuille, avet l'habitude de passé sa jhument bianche en thielle passerelle pre allé fère chaque matin son service de journos, quant l'a vu que le passage étet bouché, l'a réquiâmé à la mérie, et mossieu le mére l'y a dit que le s'en oc-cuperet.
Enfin, peu importe, jusqu’ici il n’avait encore que la malice, mais voilà que les affaires allaient se gâter.
Pierre Giraud (1), qui tient l’auberge des portes de la Roussille, avait l’habitude de passer sa jument blanche sur cette passerelle pour aller faire chaque matin son service de distribution de journaux, quand il a vu que le passage était bouché, il a réclamé à la mairie, et monsieur le maire (2) lui a dit qu’il s’en occuperait.
L'a rapporte thieu au garde do l'équiuse, thi li a dit que pisque le mère s'en occupet, le pouvet passa sa gement bianche jusqu'à la répinse dau mère thyi pouvet duré deux jous, pe tètre quatre ou six jous mouème.
Thiau povre Giru, sans méfiance, passa le lendemoin matin su la passerelle queume d'habitude pisque le garde l'avet autorisa.
Au retour et en arrivant devant la porte à cond ami le li dounit son jeurnal queume d'habitude, pi le veli passa sur la passerelle tournante pre rentra cheu li ; mais ouitche ! le se trouvit le pe pri dan le piège. Vela que le potentat li dissit d'arréta et li dressit procès-verbal.
Il a rapporté cela au garde de l’écluse qui lui a dit que puisque le maire s’en occupait, il pouvait faire passer sa jument blanche jusqu’à la réponse du maire qui pouvait durer deux jours, peut-être quatre ou six jours même.
Ce pauvre Giraud, sans méfiance, passa le lendemain matin sur la passerelle comme d’habitude puisque le maire l’avait autorisé.
Au retour, et en arrivant devant la porte à cet ami, il lui donne son journal comme d’habitude, puis il voulut passer sur la passerelle tournante pour rentrer chez lui ; mais ouille ! Il se trouva le pied prit dans le piège. Voilà que le potentat lui dressa un procès-verbal.
Quant Giru entendit thieu, les bras li cheulliran le lin dau cor et thière s'en est falu, tant l'émotien étet forte, que le fisse un fau pas de travers et que le cheuillisse dan le bassin.
Crayé-vous qu'o felet en avouère in thiulot pre agir queume o la fouait le garde ?
Quand Giraud entendit cela, les bras lui tombèrent le long du corps et guère s’en est fallut, tant l’émotion était forte, qu’il fisse un faut pas de travers et qu’il tomba dans le bassin.
Croyez-vous qu’il fallait en avoir un culot pour agir comme le fit le garde ?
Pre suite de l'affère, Giru informit le mère de son procé. Le prenit daux informations et le fasit dire pre son garde o Matadaure de la Rousseille que les animas à quatre pattes passiriant jusqu'à nouvel ordre su les passerelles en atteindont, sans doute, ine enquète, chouse thi oret du se fourère avant tout.
Pour la suite de l’affaire, Giraud informa le maire de son procès. Il lui promit des informations et il fit dire par son garde au " Matador " de la Roussille que les animaux à quatre pattes passeraient jusqu’à nouvel ordre sur les passerelles en attendant, sans doute un enquête, chose qui aurait dû se faire avant tout.
Mais va te fouère lanlaire, le répindit que le n'avet poué d'ordres à recevouère dau mère et, su thieu, fremit compiètement le passage en tournant la passerelle quié su le bassin ; de thielle afère toute communicatien étet arétaille et les mindes de la Rousseuille étians preusque prisounè ché eux, le ne pouvians, ni douna à la laiteri, ni recevouère le produit de laux vaches.
De mouème que tous thié thyi avians besin de passa ine brouette étians de la revue.
Mais va te faire lanlaire, il lui répondit (le Garde de la rivière) qu’il n’avait pas d’ordres à recevoir du maire et sur ce, ferma complètement le passage en tournant la passerelle qui est sur la bassin (Voir photo) ; de cette affaire, toute communication était arrêtée et le monde de la Roussille était presque prisonnier chez eux, ils ne pouvaient, ni donner à la laiterie, ni recevoir le produit de leurs vaches.
De même que tous ceux qui avaient besoin de passer une brouette étaient de la revue.
Le pi de tout étet la neut de tiétant qu'o fouèt si nègre, thié qui saviant poué que la passerelle étet tournaille, peuvians arriva pre passa et cheure dans l'ève, de mouème qu'o peuvèt en arrivé autont en passant su les portes, car olé dongéreu la neut.
Vente en 1897 du Moulin neuf de la Roussille.
Qui arèt velu en accepta la respansabilité après ? parsoune sans doute.
Thieu ne pouvet poué dura, aussi la bé remit la passerelle après le passage de yin de ses chefs.
Le pire de tout était la nuit, en ce temps qu’il fait si noir, ceux qui ne savent point que le passerelle était tournée, peuvent arriver pour passer et tomber dans l’eau, de même qu’il peut en arriver autant en passant par les portes, car c’est dangereux la nuit.
Qui aurait voulu en accepter la responsabilité après ? Personne sans doute.
Cela ne pouvait point durer, aussi il a bien remit la passerelle après le passage de l’un de ses chefs.
En attendont, Giru a tout de mouème attrapa son affouère, mais si o se juge, y ont queneu yin qui se fera lava la tâte ; y cret bé que thiau jou les rieures ne serant poué de san coûta.
Le pu bê de l'affouère olé que le garde de la commune a fouèt in procé au garde de la rivère, pre avouére enleva la passerelle et arèta toute communication.
On sèt poué bein queume tout thieu finira ; en attendant o l'amuse le minde de ché nous et o l'empêche que le temps dure ».
En attendant, Giraud a tout de même attrapé son affaire, mais si on en juge, j’en connais un qui se fera laver la tête : je crois bien que un de ces jours les rieurs ne seront point de son côté.
Le plus bête de l’affaire c’est que le garde de la commune a fait un procès au garde de la rivière, pour avoir enlevé la passerelle et arrêta toute communication.
On sait bien comment cela finira ; en attendant, cela amuse le monde de chez nous et cela empêche que le temps dure.
(1) Pierre Giraud (1865-1947) et son épouse Mélanie furent aubergistes à la Roussille au tout début du XXe siècle et pendant plus d’une quinzaine d’années.
En 1925, c'est M. Soulard qui est restaurateur à la Roussille.
En 1939, c'est M. Pinaudeau qui est propriétaire et restaurateur à la Roussille.
(2) Émile Breuillac est maire de Saint-Liguaire de 1904 à 1921.

Quelques expressions utilisées

- Être de la revue = subir les mêmes contraintes.
- Aller se faire lanlaire = se débarrasser sans scrupules de quelqu’un qui importune. 
- Se faire laver la tête = se faire réprimander.
- Garde de la commune = garde champêtre.

Sources

  • Journaux de 1897, 1911, 1939.
  • Archives 79
  • Texte, illustrations et mise en forme : Jean-Michel DALLET.