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Statue de la Place Saint-Jean de Niort (Histoire et Témoignage sur sa disparition)

De WikiNiort


Article en construction : 6 mars 2023

Cette statue de 4,60 m s'élançait majestueusement sur la place Saint-Jean jusqu'en 1942...
Carte Postale du monument de la Place Saint-Jean des (Années 1920).

Origine du monument de la Place Saint-Jean

1– Statue de l’Espérance :

Cette statue haute de 4,60 m est l’œuvre du sculpteur Adolphe Laoust (1843-1924), elle est identifiée Spes (Déesse de l’Espérance), notée : statue bronze, sur le catalogue du salon des artistes du 1er mai 1880.

Ces quelques vers accompagnent la notification sur cette œuvre :

« Paix et fraternité, j’apporte l’espérance !
À moi, fils ! Oublions ; les combats sont finis.
N’ayons plus qu’un drapeau, le drapeau de la France !
Et puisque nous étions frères dans la souffrance,
Aux jours heureux restons unis. » (Daniel Parr).

Cette statue représente une femme ailée brandissant de sa main gauche une palme en branche d’olivier, symbole de paix, appelée parfois la Liberté (1) par les niortais (Voir photo).

De sa main droite le personnage tient le drapeau, symbole de la Patrie et de la République.
Elle fut aussi considérée parfois comme un monument aux morts de 1870, mais seule la statue de la place de Strasbourg épargnée en 1942 de la destruction, a gardé pour toujours cette distinction...

2-Support, fontaine :

Le support d’une hauteur de 4,60 m est aussi une fontaine qui fut d’abord dessinée par François Bunel (1848-1926), architecte du département de la Charente-Inférieure (2).
Le changement du Maire de Niort en 1883, remit en cause ce choix en imposant Georges Lasseron, le nouvel architecte de la ville de Niort nommé en 1883.
Le monument fut inauguré en 1884.
(1) La Place Saint-Jean n’existe que depuis 1770, elle prit le nom de Place de la Liberté à la Révolution et celui de place Saint-Jean en 1825.
(2) Lors du Conseil Municipal du 11 février 1884, François Bunel réclame ses honoraires pour les différents plans et devis dressés pour la Fontaine monumentale de la Place Saint-Jean mais aussi pour le Groupe scolaire des Trois-Coigneaux...
Au C.M. du 1er avril 1884, la somme de 5500 F lui est allouée.

Photo de la Place vers 1940

Un cliché, signé "Flor" (Voir photo), est l’œuvre du photographe Marceau Carrière au 63, avenue Saint-Jean en 1936.
On y retrouve quelques commerçants :
-Au N° 17 de la place, Le « Comptoir du Cycle » de Gabriel Rigaud cycles et motos,
-Au N° 14, la Quincaillerie de Duquesnoy.
-Au N° 6, la pharmacie d’Elie Grassin. (3).
La stèle et sa statue sont située dans l’axe de la rue.
(3) En 1940, Fernand Durandet est employé de la pharmacie d’Élie Grassin.
Cet employé de 19 ans est envoyé au STO Fernand Durandet trouve la mort en déportation le 29 juillet 1943.
Photo de la Place Saint-Jean du photographe niortais Marceau Carrière (Vers 1940).

Témoignage de Gilberte Morin

Gilberte Morin (Épouse Granger) a 20 ans, en 1942, quand elle est témoin, avec sa sœur Sylvette, 16 ans, d’événements qui ont marqué sa vie.

Le témoignage précis qu’elle nous donne, est d’avoir vécu en direct, ce 21 mars 1942, le démontage de la Statue en bronze de la Place Saint-Jean.
Ce témoignage se présente sous forme d’une lettre écrite de sa main : ci-joint en annexe.
Dans ce témoignage, elle fait revivre, par la précision de son récit, l’ambiance particulière que seules, les personnes présentes à de tels événements, peuvent ressentir même après bien des années.
Les sentiments qu’elle éprouve alors, sont ceux qui ont traversé l’esprit des personnes soumises pendant plusieurs années aux injustices, absurdités et drames de cette seconde guerre mondiale, subis dans la région niortaise et ailleurs.

Démontage de la statue

En 1942, cette statue fut démontée par les occupants pour être fondue dans le but de fabriquer des armes et munitions avec son bronze récupéré.

Mme Gilberte Morin (Épouse Granger) (1922-2014) nous livre son témoignage qu’elle date du 21 mars 1942 et qui détaille avec précision le déroulement de ces événements tragiques :

1er extrait de la lettre :

« J’ai vu mourir la liberté de la Statue de la place Saint-Jean à Niort.
Comme d’habitude, nous allons distribuer notre lait à Niort en ce 21 mars 1942. Arrivé à la place St Jean, un embouteillage inhabituel nous fait arrêter face à la forge de M. Neaud (4) maréchal, en quelques mots, il nous renseigne et il ajoute (Vau meu qu’atende), c’était peut-être plus raisonnable et puis nous voulions tant voir ma sœur et moi.
La guerre 1939 précipite sur nous ces événements. La capitulation, l’horreur de l’occupation allemande, ce jour là, on parlait de récupération.
Il était 9h moins le quart, une longue voiture à croix gammée glisse et s’arrête près du socle de la statue. 4 boches guindés, gantés, décorés en descendent… Mes impressions furent ainsi : orgueil, domination, horreur, nous étions les rares témoins de leur arrivée, quelques mots brefs et gutturaux strièrent l’air matinal, ce furent leur conversation incomprise pour nous, si je n’avais pas aperçu sous la visière de leur habituelle casquette un regard brillant de force et de dédain mesurer du regard cette statue muette qui ne cessait d’étendre sur nous ses ailes protectrice.
Un lourd tank au drapeau flottant arrive dans un bruit de tonnerre suivi d’une autochenille traînant une longue remorque plate, suivait une petite équipe de 10 ouvriers Français, outil sur l’épaule escortés d’une sentinelle à l’air brut et arrogant et stoppant à ces pieds devant la statue.
Les 10 hommes (français), tête basse, impuissants, ouspillés par la sentinelle qui se déchaînait comme un monstre, gravirent le socle de granit, s’accrochèrent à la sculpture et arrivèrent à la hauteur de la statue, en prenant le temps de contempler, ils semblaient chercher la solution pour la descendre. »
(4) Roger Neaud (1898-1993) était maréchal Ferrant au 13, Place Saint-Jean.

La chute de la statue de l’Espérance

Second extrait de la lettre :

Photo couleur du photographe niortais Marceau Carrière (Vers 1940).
En 1951, un article sur le C.O. considère comme une anomalie ce monument privé de sa statue et que rien ne l'a remplacée...
« Un commandement plus impératif et plus fulgurant résonna, les ouvriers comprirent que devant la force, il fallait la soumission alors tous s’y mirent, les burins grincèrent, les marteaux frappèrent.
Les heures passèrent, les commandements se rapprochèrent, on frappa plus vite aussi.
La sentinelle escalada, s’accrocha d’un geste impatient et coléreux et s’efforça de secouer cet ange de la Paix qui symbolisait pour nous la liberté Française...  »

La narratrice s’adresse à la statue dans ses derniers moments sur la stèle de la Place St Jean :

« Tu étais la Résistance, tu résistais implacable masse de bronze, une grue arriva…
Les ouvriers silencieux se mettent en garde à vous (vous travailleurs obligatoires), la puissante grue tenta de jeter en arrière.
Du haut clocher de Notre Dame s’égrenèrent les douze coups de midi, les sirènes hurlèrent, alors, ce fut ton agonie, une poussière de pierre effritée, un craquement dur et tes ailes partirent en arrière, une main française pourtant ralentit le mouvement de la grue, oui jusqu’au bout on te respecta, la tête basse, ils étaient là, ceux qui avait participé à ton enlèvement forcé et ce furent quelques "Teutons" arrivés en dernière minute qui te couchèrent brutalement sur l’immense remorque qui fut ton char funèbre, ta tête tomba lourdement et cogna en bruit sourd une grosse tringle de fer, ton front pur ne s’érafla pas.
Tu n’étais plus la Liberté, tu étais la Résistance, cependant, on t’attacha avec de lourdes chaînes, non on ne craignait certes pas ton envol mais on craignait quand même ta chute car si nous Français, nous tenions à la dernière parcelle de notre liberté, le "Boche" tenait à la dernière parcelle de Bronze... »

Socle de la statue

En 1951, la presse relate comme une anomalie concernant le piédestal vidé, hélas, de sa statue et qui ne trouve pas de solution à sa reconversion (Voir photo)…

Ce monument, réduit à une simple fontaine, sera démonté quelques années plus tard.

Annexe

Découvrir le document original de Mme Gilberte Morin (Épouse Granger) du 21 mars 1942 :
Lettre manuscrite de 1942 (Gilberte Morin (épouse Granger).

Sources

  • Archives 79.
  • Mémorial des Deux-Sèvres 1884.
  • Notes du Musée Orsay
  • Catalogue exposition de 1880 des ouvrages : peintures, dessins et sculptures.
  • Courrier de l’Ouest (1951).
  • Témoignage : Merci à Philippe Clément de nous avoir communiqué la lettre du témoignage de 1942 d’une de ses tantes.
  • Texte, illustrations et mise en page : Jean-Michel Dallet.